Enfin une protection adaptée pour les vipères de France !
Publication du nouvel arrêté de protection des amphibiens et reptiles de France, une avancée pour la conservation de la biodiversité !
Une mobilisation efficace au service de la conservation
Depuis 2007 (14 ans), la Société Herpétologique de France alerte l’État français sur de nombreuses carences et erreurs concernant l’arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection.
En novembre 2019, une forte mobilisation autour de l’actualisation de cet arrêté a permis de diffuser un communiqué de presse signé par plus de 30 structures et d’adresser un courrier à Madame Élisabeth BORNE, Ministre de la Transition Écologique et Solidaire.
Ce collectif dénonçait notamment un arrêté autorisant encore :
1) La destruction de la Vipère aspic (Vipera aspis) et de la Vipère péliade (Vipera berus). Le projet d’arrêté prévoyait que ces animaux pouvaient encore être détruits alors que leur état de conservation est pourtant alarmant :
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Les études réalisées montrent un déclin sévère de la Vipère aspic en France et en Italie. Elle est classée vulnérable dans les listes rouges régionales des ex-régions d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées.
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La Vipère péliade est très vulnérable aux changements climatiques et devrait voir sa population réduire fortement dans les années à venir. Elle est classée vulnérable sur la liste rouge nationale depuis 2015 !
Pour justifier l’autorisation de leur destruction alors même que les cas de morsures de vipères sont extrêmement rares en France et le nombre de mortalités proche de zéro (pas de mort en France par morsure de vipère depuis 2003), l’argument de la sécurité est mis en avant. Pire, tenter de tuer une vipère expose justement au risque de morsure quand la meilleure attitude à adopter face à ce reptile reste de lui laisser prendre la fuite. Plusieurs pays européens, comme la Suisse – 1991, la Belgique – 1973 ou l’Allemagne – 1976, protègent d’ailleurs ces deux espèces depuis plusieurs années sans qu’aucune augmentation du nombre d’envenimation n’ait été enregistrée. Faute de garanties quant aux compétences du grand public pour distinguer convenablement ces deux espèces, une telle décision porterait par ailleurs préjudice à l’ensemble des serpents de France.
Pour ces raisons, nous demandions que la Vipère aspic et la Vipère péliade soient ajoutées à l’article 2* de l’arrêté pour bénéficier d’une protection intégrale.
2) La pêche, l’exploitation commerciale et la consommation de la Grenouille rousse (Rana temporaria).
Le projet d’arrêté permettait d’accorder des autorisations de 3 ans aux structures pratiquant la pêche et la capture de la Grenouille rousse (Rana temporaria) à des fins commerciales alors que les experts sont unanimes quant aux observations de son déclin. Plusieurs études sont en cours à ce sujet. Les prélèvements commerciaux représentent plusieurs millions d’individus collectés chaque année dans les milieux naturels alors même que l’espèce souffre déjà de l’assèchement de certaines zones humides, de la disparition des sites de pontes et de l’introduction des poissons dans les lacs de montagne. Faute de garanties quant à l’absence d’impact des pratiques commerciales sur la viabilité de l’espèce, nous invoquions le principe de précaution et demandions que la Grenouille rousse soit ajoutée à l’article 2* et retirée de l’article 6 pour bénéficier d’une protection intégrale.
3) La pêche et la consommation de la Grenouille verte (Pelophylax kl. esculentus), espèce particulièrement difficile à distinguer des espèces protégées intégralement.
La Grenouille verte (Pelophylax kl. esculentus) est un hybride entre la Grenouille rieuse (Pelophylax ridibundus) et la Grenouille de Lessona (Pelophylax lessonae). Cette hybridation la rend particulièrement difficile à distinguer de ses congénères, même aux yeux des experts : seules des analyses génétiques permettent de les identifier avec certitude. Le projet d’arrêté mentionnait la Grenouille verte à l’article 5* et autorisait sa pêche à des fins non commerciales. Une telle décision exposerait la Grenouille rieuse et la Grenouille de Lessona à de forts risques de confusion alors même que ces espèces sont fortement menacées. Elle rendrait inapplicables les contrôles de la police de l’environnement : cette disposition revient à lever leur protection intégrale et autoriser leur prélèvement par les pêcheurs « du dimanche ».
Nous demandions que la Grenouille verte soit ajoutée à l’article 2* de l’arrêté pour bénéficier, elle aussi, d’une protection intégrale.
Publication du nouvel arrêté
Grâce à cette mobilisation, la SHF a pu engager avec les services du Ministère de la Transition Écologique un dialogue constructif. Début 2020, nous étions arrivés à un consensus et l’arrêté devait sortir durant l’année, incluant la protection intégrale des vipères de France ainsi que leur habitat.
Concernant la pêche de la Grenouille rousse (Rana temporaria) et de la Grenouille verte (Pelophylax kl. esculentus), les avancées vont se faire en deux temps :
1) Des études sur l’impact de l’exploitation commerciale de la Grenouille rousse, notamment en région Bourgogne-Franche-Comté, sont en cours.
2) Ces espèces étant concernées par d’autres textes de lois, il n’était pas possible dans ce laps de temps de faire évoluer également les réglementations relatives à la pêche. Le Ministère doit conduire une étude juridique sur la cohérence entre les dispositions réglementaires encadrant la pêche des Grenouilles rousses et vertes dans le but d’avoir une protection cohérente de ces espèces.
Aujourd’hui, le 11 février 2021, l’arrêté est publié au journal officiel.
Nous tenons particulièrement à remercier :
Bérangère ABBA, Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée de la Biodiversité avec qui nous avons pu débattre de l’intérêt et de l’urgence que cet arrêté soit signé et publié. Nous remercions aussi l’ensemble de ses collaborateurs.
Jeanne-Marie ROUX-FOUILLET, Chargé(e) de mission à Direction eau et biodiversité du ministère qui est notre interlocutrice pour les amphibiens et les reptiles. Elle a été à notre écoute depuis 2019 pour relayer au mieux notre démarche.
Jean-Christophe de MASSARY, Responsable Amphibiens-Reptiles – PatriNat (OFB-CNRS-MNHN) qui a plaidé depuis 2007 au côté de la SHF pour que l’arrêté soit corrigé et amélioré.
Olivier LOURDAIS, Chargé de Recherche au Centre d’études Biologiques de Chizé et le groupe experts vipères (GEV) pour la collecte d’informations sur les deux espèces de vipères en France et en Europe (distribution, dynamique des populations, statut règlementaire) et la coordination des échanges avec les experts internationaux et les spécialistes des envenimations.
Les responsables de l’IUCN Viper Specialist Group (Jesús Sigala Rodríguez, Stephen Spear, Jelka Crnobrnja-Isailovic) et le Conservation committee de la Société Européenne d’herpétologie (Halpern Bálint, Jelka Crnobrnja-Isailovic) pour leurs courriers ainsi que les différents membres experts sollicités pour une meilleure protection dans le cadre cet arrêté.
Les experts toxicologues et spécialistes des envenimations (David Boels, Jean-Philippe Chippaux, Luc de Haro, Gaël Le Roux) pour leur courrier et les données quantifiées du réseau des centres antipoisons et de toxicovigilance
L’ensemble des structures s’étant mobilisées pour le communiqué de presse de novembre 2019 : Fédération des Conservatoires d’espaces naturels, France Nature Environnement, Groupe Experts Vipères, le CNPN, Humanité & Biodiversité, Ligue pour la Protection des Oiseaux, Société Française pour le Droit de l’Environnement, Société Européenne d’Herpétologie, Société Nationale de Protection de la Nature, Union nationale des CPIE, Centre d’études Biologiques de Chizé, Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive, Institut de l’écologie et des sciences de l’environnement (IEES), Bretagne Vivante, BUFO, Cistude Nature, Commission Amphibiens et Reptiles de Rhône-Alpes, Groupe Herpétologique de Rhône-Alpes, Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin, Groupe ornithologique et naturaliste du Nord-Pas-de-Calais, Ligue pour la Protection des Oiseaux de Franche-Comté, Ligue pour la Protection des Oiseaux Auvergne-Rhône-Alpes, Nature en Occitanie, ObioS, Observatoire des Amphibiens d’Auvergne, Observatoire des Reptiles d’Auvergne, Picardie Nature, Société d’Histoire Naturelle d’Autun, Observatoire de la Faune de Bourgogne, Société Herpétologique de Touraine, SOPTOM, Union régionale des CPIE d’Auvergne, Union régionale des CPIE de Normandie et Vivarmor Nature.
L’ensemble des experts qui se sont mobilisés pour fournir une analyse documentée pour le ministère : Damien AUMAITRE, Jean-Marie BALLOUARD, Christophe BARBAUD, Jean-Pierre BARON, Mickaël BARRIOZ, Laurent BARTHE, Stéphane BELLENOUE, Gilles BENTZ, Fabrice BERNARD, Matthieu BERRONEAU, Maud BERRONEAU, Aurélien BESNARD, Alexandre BOISSINOT, Jacques CASTANET, Hugo CAYUELA, Gaëlle CAUBLOT, Pierre-André CROCHET, Jean-Christophe DE MASSARY, Michel DELAUGERRE, Mathias DEZETTER, André DUTERTRE, Philippe EVRARD, Olivier FONTAINE, Fernando-Martinez FREIRA, Samuel GAGNIER, Philippe GENIEZ, Éric GRAITSON, Jean-Luc GROSSI, Daniel GUERINEAU, Gaëtan GUILLER, Michaël GUILLON, Rémi KSAS, Myriam LABADESSE, Carine LECOEUR, Jean-François LE GALLIARD, Jérôme LEGENTILHOMME, Sébastien LEGRIS, Jean LESCURE, Olivier LOURDAIS, Marc-Antoine MARCHAND, Claude MIAUD, Alix MICHON, Régis MOREL, Solenne MULLER, Jean MURATET, Guy NAULLEAU, Franck PAYSANT, Gilles POTTIER, Ludivine QUAY, Robin QUEVILLART, François RANCON, Pierre-Alexis RAULT, Julien RENET, Gaëtan REY, Pierre RIVALLIN, Arnault SAMBA, Jérémie SOUCHET, Mathieu T’FLACHEBBA, Stéphanie THIENPONT, Jacques THIRIET, Jean-Marc THIRION, Thomas TULLY, Sylvain URSENBACHER, Jean-Pierre VACHER, Nicolas VARANGUIN.
Les experts européens (Viper specialist group et SEH conservation committee) : Soumia Fahd, Marco Zuffi, Alexandru Strugariu, Eric Sundman, Iri Gill, Wolfgang Wuster, Bogoljub Sterijovski, Balint Halpern VSG, Jelka Crnobrnja Isailovic VSG, Ronald Zollinger, Tony Gent, Katja Poboljsaj, Dan Cogalniceanu, Cesar Aires, Oleksandr Zinenko, Katja Pobolsaj, Riinu Rannap, Ronald Zollinger.
Quelques documents à télécharger :
- L’arrêté fixant la liste des amphibiens et des reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection
- Le communiqué de presse du 11 février 2021 annonçant la publication de l’arrêté
- Le communiqué de presse du 22 novembre 2019 exposant les motivations pour la modification du projet d’arrêté
- Le courrier adressé au Ministère de la Transition écologique et solidaire le 20 novembre 2019
- Les résultats de la consultation publique du projet d’arrêté en novembre/décembre 2019
- Des photos des espèces concernées