Le chytride Batrachochytrium salamandrivorans (Bs) a été détecté pour la première fois dans le milieu naturel en Europe en 2013, aux Pays-Bas. Ce champignon microscopique pathogène récemment importé d’Asie par le biais d’urodèles destinés au marché de la terrariophilie, a été responsable ces dernières années de la disparition de populations de Salamandre tachetée Salamandra salamandra aux Pays-Bas, en Belgique et dans l’ouest de l’Allemagne. Une récente étude parue dans la revue Nature (n°544-7650) fait le point sur la virulence de Bs et sur ses moyens de propagation. Les auteurs ont montré que 13% des salamandres infectées survivent au bout de dix jours, et un tiers de salamandres saines deviennent infectées au bout de la même période. Cette hypervirulence explique que les populations nouvellement infectées dans la nature voient leurs effectifs diminués (ou réduits) de 90% en quelques semaines seulement, jusqu’à l’extinction. L’étude indique également que le chytride est persistant dans le milieu naturel, et qu’il se fixe sur des individus d’autres espèces sans causer de maladie. Ceux-ci sont des porteurs sains et peuvent de ce fait contribuer à sa dissémination. Le Triton alpestre Ichthyosaura alpestris a par exemple été identifié comme espèce réservoir, de même que des anoures comme le crapaud accoucheur Alytes obstetricans. Peut-être que des oiseaux ou des invertébrés aquatiques peuvent aussi propager des spores lors de leurs déplacements. Ainsi, il devient quasi impossible de contrôler la dissémination de Bs dans les milieux naturels. Actuellement, les scientifiques ne savent pas comment stopper ou même réduire l’impact de Bs sur les populations de salamandre tachetée. De plus, il est possible qu’à terme, ce pathogène affecte les autres espèces du genre, ainsi que d’autres urodèles comme par exemple le Triton crêté italien, l’Euprocte de Corse, le Pleurodèle de Waltl. C’est pourquoi il est important de mettre en place des mesures de suivi de populations de salamandres qui semblent encore saines, afin de connaître le patron de propagation de Bs en Europe et de mieux évaluer son impact sur les populations d’une espèce encore largement répartie mais qui pourrait rapidement devenir en danger d’extinction.
Référence : Gwij Stegen, Frank Pasmans, Benedikt R. Schmidt, Lieze O. Rouffaer, Sarah Van Praet, Michael Schaub, Stefano Canessa, Arnaud Laudelout, Thierry Kinet, Connie Adriaensen, Freddy Haesebrouck, Wim Bert, Franky Bossuyt, An Martel. Drivers of salamander extirpation mediated by Batrachochytrium salamandrivorans. Nature, 2017; 544 (7650): 353 DOI: 10.1038/nature22059
Lien utile : https://natureecoevocommunity.nature.com/posts/16295-how-a-perfect-storm-kills-european-salamanders